La Type C est l’une des Jaguar les plus mythiques de l’histoire, elle a remplacé la XK120 et a précédé la Type D. La Type C n’a plus grand chose en commun avec la voiture qu’elle remplace puisque celle-ci a été conçue dès l’origine comme une barquette destinée à la compétition avec en ligne de mire les épreuves d’endurance et en particulier les 24 heures du Mans.
Les Type C ont été moins victorieuses que les Type D dans la Sarthe et elles sont surtout beaucoup moins spectaculaires visuellement ce qui explique qu’elles soient relativement moins connues que les Type D et leurs appendices aérodynamiques immédiatement identifiables. Au total 53 Jaguar Type C ont été fabriquées et elles sont particulièrement recherchées par les amateurs. L’une d’entre elle sera proposée aux enchères par la maison Bonhams à Monaco dans quelques jours.
Lorsque l’on parle de voitures de courses ou de modèles particulièrement célèbres, les britanniques ont l’habitude de les nommer par leur numéro de châssis ou bien encore par leur numéro d’immatriculation. Dans le cas de cette Jaguar Type C, si elle est immatriculée POV 114 depuis une cinquantaine d’année, l’histoire de son numéro de châssis est plus rocambolesque. Officiellement frappée du numéro de châssis XKC 011 (XKC pour Jaguar Type C), la voiture est dotée des éléments de carrosserie de XKC 047 et après des recherches approfondies, les historiens et spécialistes de la marque ont établi qu’il s’agissait également du châssis XKC 047.
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Un tel flou autour du numéro de châssis apparait digne des pratiques d’un sombre garage de voitures d’occasion mais dans les années 50-60 la pratique était courante. Les voitures de course avaient alors pour unique but de gagner et lorsqu’elles étaient accidentées il n’était pas rare d’en déshabiller une pour en habiller une autre. Dans ce cas les numéros de pièces ne correspondaient plus et certains châssis étaient refrappés pour tromper les officiels. Rappelons que les voitures de course qui s’échangent aujourd’hui plusieurs millions d’euros étaient alors parfois vendues aux prix de la ferraille lorsque celles-ci n’étaient pas jugées réparables.
L’histoire de XKC 011 / 047 a toujours été floue, nous vous en proposons un bref aperçu pour mieux comprendre le passif de cette voiture. Pour connaitre tous les détails de la voiture et de son identification formelle, nous vous invitons à vous rendre sur le site de la maison de ventes aux enchères Bonhams (anglais) ou bien encore à lire l’article qui lui est consacrée dans le dernier numéro d’Octane Magazine (français).
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Les origines
XKC 047 a été à l’origine commandée par Ian Appleyard, un pilote britannique émérite qui s’est notamment illustré en rallye au volant de la célèbre Jaguar XK120 NUB120. Se rendant rapidement compte que la Type C n’etait pas adaptée aux rudes conditions des rallyes (les routes d’Europe n’était alors que très peu bitumées) Ian Appleyard annule sa commande.
La voiture est alors vendue à Roger Laurent, un champion Belge de moto et lui est livrée le 19 mai 1953 soit quelques semaines avant les 24 heures du Mans. Elle a reçu pour l’occasion les mêmes spécifications que les voitures d’usines et est engagée aux 24 heures du Mans 1953 sous la bannière de l’Ecurie Francorchamps aux mains de Roger Laurent et Charles de Tornaco. La voiture se classe 9ème au classement général final du double tour d’horloge sarthois.
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La voiture continue de courir au cours de la saison 1953 prenant notamment part aux 24 heures de Spa-Francorchamps ou encore aux 1000 km du Nurburgring. A la fin de la saison, la voiture retourne en Angleterre chez Jaguar.
Fort du résultat obtenu dans la Sarthe en 1953, Jaguar et l’Ecurie Francorchamps décident d’engager de nouveau la voiture lors de l’édition 1954 des 24 heures du Mans. XKC 047 est alors engagée pour assurer une présence anglaise en cas de défaillance des toutes nouvelles Jaguar Type D.
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XKC 047 faussement de retour au Mans
Les recherches ultérieures montreront qu’en réalité XKC 047 ne quittera jamais Coventry en direction du Mans. Jaguar ayant décidé d’engager la voiture la plus performante possible, c’est XKC 012 qui est substituée à XKC 047. Cette voiture arbore les dernières spécifications du modèle, notamment les carburateurs Weber, les freins à disques et la suspension arrière optimisée avec barre Panhard et bras multiples.
La voiture étant accidentée sur la route avant de parvenir au Mans elle n’est pas utilisable et c’est la voiture de développement de Jaguar XKC 011 qui est alors envoyée de toute urgence dans la Sarthe. Certaines pièces sont refrappées au numéro de châssis XKC 047 afin de tromper les contrôleurs de l’Automobile Club de l’Ouest.
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XKC 047 devient XKC 011
La véritable XKC 047 qui est restée loin de toutes ces péripéties à Coventry est alors refrappée du numéro de châssis XKC 011 comme en témoigne les diverses études menées par les historiens et plusieurs preuves concordantes trouvées sur le véhicule.
En 1955, Jaguar vend la voiture désormais identifiée XKC011 à Dunlop comme véhicule de test pour ses pneumatiques hautes performances. La voiture reçoit quelques modifications mineures afin de pouvoir embarquer un passager ou encore transporter des appareils de mesure.
Au terme de ses campagnes d’essais la voiture est vendue à Mike Salmon, elle passe ensuite entre les mains de Gordon Lee et de Robin Sturgess. Tout trois courent de manière plus ou moins soutenue avec la Type C qui est alors identifiée et inscirte en compétition comme XKC 011.
En 1963 elle est racheté par Guy Griffiths pour la somme de 635 livres (une somme qui parait dérisoire actuellement mais qui était déjà conséquente à l’époque) et sera conservé dans la collection familiale jusqu’à aujourd’hui. Ce photographe automobile, collectionneur avant l’heure, a possédé l’une des plus belles collections de Jaguar au monde qui incluait notamment la Type C que nous venons d’évoquer longuement, une Jaguar Type D, le prototype E2A qui a servi de développement entre la Type D et la Type E et également une Jaguar Type E Lightweight.
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La voiture aujourd’hui
Outre son palmarès aux 24 heures du Mans, 24 heures de Spa et 1000 km du Nurburgring la voiture se présente dans un très rare état d’origine, depuis 1953 la voiture n’a jamais été restaurée. Elle a uniquement subi des modifications très mineures liées à son utilisation en course comme le changement des flexibles de frein ou encore l’aménagement intérieur de l’habitacle en sky.
Même si la voiture est très loin d’être état concours, elle est annoncée comme étant en état d’usage et utilisable telle qu’elle immédiatement. La voiture présente aujourd’hui sous sa couleur British Racing Green les traces de ses multiples vies passées. On peut notamment apercevoir des traces de gris, qui était la couleur de la voiture lorsqu’elle appartenait à Dunlop ou encore du jaune, la couleur originelle de la voiture lorsqu’elle courait sous les couleurs de l’écurie Francorchamps.
Maintenant que XKC 011/047 a été officiellement été identifiée comme étant l’originelle XKC 047, celle-ci est proposée à la vente par Bonhams lors de sa vacation du Grand Prix de Monaco Historique 2016. Le prix du rêve et de la vérité historique est estimé entre 4 et 5 millions d’euros.
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